À peine mes chevilles ont gouté l’eau fraîche que je sens le pouvoir de la Source, cette faculté de laver, essorer, rincer, mon corps, mon cœur et mon âme, et tous les interstices autour.
Le corps à demi dans l’eau, je lâche la rampe qui me gardait en sécurité près du bord et je laisse l’eau me porter. La magie opère toujours. Je les sens, elles sont là, toutes les mains de toutes les femmes qui, avant moi, ont eu un jour le cœur aussi lourd que le mien. Cette peine au fond de ma cage thoracique qui pourrait m’empêcher de respirer, elles m’aident à la porter.
Je suis dans l’eau, dans la Matrice, elle fait partie de moi, je fais partie d’elle, nous sommes l’une et l’autre depuis la nuit des temps, depuis toutes ces fois où elle m’a fait venir au monde.
Ma colonne vertébrale se raidit, les muscles de mes bras se tendent comme des ressorts, les yeux fixés vers le ciel, je flotte, je secoue chaque cellule de mon corps et j’arrive enfin à avancer. Rien ne peut plus m’arrêter. Je noie mes larmes dans cette vaste étendue d’eau, elles retournent à l’origine.
J’accueille le creux de la vague, je sais que cette immense tristesse passera dès que son message sera transmis.
Le liquide sombre me submerge mais je constate que malgré tout, je flotte toujours. Cette Mère qui me porte me relâchera toujours en sécurité sur le rivage, elle me demande juste de lui vouer une confiance aveugle.
Et je me souviens de leurs mains, de leurs histoires et de leurs tambours qui m’aident à respirer sous l’eau.
[Photo by @unsplashofficial]