Les yeux fermés, je perçois le soleil danser avec les branches de arbres et je sens le vent se glisser dans les interstices disponibles entre ma peau et les vêtements que je porte. J’entends le silence interrompu par nos soupirs et la rivière au loin qui nous chante son appel.
Mon ventre se resserre lorsque je me retire le dernier morceau de tissu qui me sépare de la nudité. Je suis là, entièrement vulnérable, le cœur et le corps prêts à se montrer.
J’ouvre craintivement mes paupières et ses iris aimantent les miens : elle devient mon ancre, mon repère, ma sécurité. En un instant, je sais que je n’ai plus rien à craindre. Elle est là pour m’accueillir, ma sœur, et à travers ses yeux, son amour me traverse. Je peux me déposer.
Je lui raconte, au creux de l’oreille, tout doucement, mon histoire. Je lui récite toutes ces fois où j’ai eu mal, où j’ai souffert, où je me suis sentie moins que moi-même. Après chaque blessure qui reprend vie dans ma voix, elle plonge sa main dans un bol de glaise et elle vient apposer sur mon corps nu cette terre ocre, cette peinture de guerre qui honore mon parcours de combattante.
Je tressaille à chaque fois qu’elle pose la pulpe de ses doigts et j’accueille la fraicheur du baume. Elle me soigne, épreuve après épreuve, avec une douceur dont je n’aurais jamais pu soupçonner l’existence. Elle me berce, avec ses yeux, avec ses mains, avec son cœur. Elle devient cette terre-mère, cette île nourricière dans laquelle je vais pouvoir me réfugier à chaque fois que ce souvenir refera surface, à chaque fois que la guerrière en moi aura besoin de poser les armes.
Il n’y a pas de courage sans blessures.
Il n’y a pas de guérison sans amour.
[Photo prise par la talentueuse @halouny durant la retraite @lesallumettes à Gravito, Portugal.]