Quand j’ai retrouvé cette photo pour illustrer le “storytelling” de mon histoire de thérapeute sur Instagram, les souvenirs dissimulés derrière ce sourire me sont revenus de plein fouet.
– 5 mois auparavant, on me diagnostiquait mon ostéonécrose et malgré la tête du radiologue en me l’annonçant, j’étais soulagée : je n’étais pas folle ! La douleur que je ressentais depuis 3 ans n’était pas que dans ma tête. Je consulte 4 chirurgiens différents et tente une opération expérimentale, une auto-greffe de moelle osseuse pour contrecarrer la sentence du 1er d’entre eux : l’obligation d’une vie complètement sédentaire (le pire conseil qu’on ait pu me donner à ce jour).
– La béquille sur laquelle se cramponne mon bras gauche fait suite à un mois et demi de fauteuil roulant dans une maison de repos, qui n’en a que le nom. Moyenne d’âge des résidents : 75 ans. Timing au millimètre, repas d’hôpitaux, lampe de poche en plein visage toutes les nuits pour voir si je suis toujours vivante. Je ne me repose que lorsque j’arrive à passer le week-end ailleurs et que je fais des nuits de 14h.
– Je suis gavée aux anti-douleurs, dérivés morphiniques et tout le bataclan. Je me transforme en zombie. Je mettrais 2 ans avant d’arriver à m’en passer. Mon visage et mon corps auront besoin d’un peu plus de temps pour dégonfler.
– Je demande 20 fois par jour de quoi ne pas glisser dans la salle de bain car je veux garder mon autonomie et mon intimité. On ne m’écoute pas. Je glisse. Je tombe sur la hanche opérée. J’ai mal, je me mets dans une colère noire et menace de poursuites. Heureusement, l’incident ne me laissera aucune séquelle.
– Je découvre la dure réalité du système de santé et des établissements privés : on facture très cher le “patient” pour un service médiocre. Manque de soignants, attente sans fin des médicaments le soir, vols dans les chambres, propreté parfois limite. Je m’estime chanceuse et défend bec et ongle les petites mamies qui n’osent rien dire.
– La cerise sur le gâteau : quelques jours avant de sortir et de retrouver un semblant d’autonomie, le garçon avec qui je sors depuis presqu’un an me largue pour une sombre histoire de plein d’essence. Je découvre quelques semaines plus tard que c’était plutôt pour aller rouler des perles à la « fille aux gros seins » – ce sont ses mots – qu’il avait rencontré pendant que je galérais dans mon fauteuil.
Et malgré tout, je souris sur cette photo. Je mets des fleurs dans mes cheveux et du rouge à mes lèvres quasiment tous les jours. Je suis à fond sur le peu d’exercice de kinésithérapie qu’on veut bien me donner. J’accroche des ballons multicolores à mon fauteuil et des dessins aux murs de ma chambre. Je fais la course dans les couloirs avec les autres résidents. J’essaye de les faire rire, de mettre un peu de joie dans tout ce bordel. Je distribue mes bonbons aux infirmières et aux aides-soignantes.
Je ne sais pas d’où me vient cette énergie. Certains jours, je suis épuisée, de douleur, d’ennui, de fatigue et de découragement. Mais quand on témoigne à ma place de ma résilience, je répète toujours la même phrase : « J’ai deux choix. Me rouler en boule et pleurer continuellement sur mon sort, ce qui ne changera rien, ou trouver le courage d’avancer. J’ai fait le mien. »
Alors changeons ces petites choses sur lesquelles on peut agir malgré les embûches, les larmes et la peur.
Je vous embrasse bien fort, dans toutes les épreuves que vous pouvez vivre en ce moment. ♥
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